Les Double Six

Un sujet qui va encore affoler Christian ! il m'avait parlé il y a longtemps de ce vieux groupe vocal français qui réussissait la prouesse de "chanter" des solos de jazz dans la langue française (dans l'esprit de ce que faisait parfois Trénet ou Mireille, et un peu avant un Nougaro qui reprendra d'ailleurs lui aussi le thème de "For Lena and Lennie" de Quincy Jones dans son très sympathique "Mon disque d'été") - j'ai découvert par chance leurs enregistrements hier soir.

En fait, j'avais envie d'entendre ce que pouvait donner un "jazz instrumental" en version chantée, surtout pour un fou de musique vocale tel que moi.

Le bilan est en fait mitigé, tout comme dans le jazz instrumental, je suis surtout séduit par les balades les plus lentes ("Naima" de Coltrane - fallait oser le "chanter" ou "Early Autumn") ou alors les mélodies swinguantes et le plus lisible possible ("For Lena and Lennie - En Flanant Dans Paris" de Quincy Jones - repris note pour note tout comme Nougaro plus tard !, ou encore le plus rythmé "Count 'em - T'as Foutu L'camp" au riff assez obsessionnel et très sympa !)

Pas de miracle possible par contre avec des morceaux archi rapides et confus dans le style de "Scrapple from the Apple" (Christian, tu parviens réellement à chanter ça sans fausses notes ??), malgré plusieurs passages en boucle pour enfin choper la "clé d'écoute" que détiennent les jazz-addicts, rien à faire... ce "babil" frénétique et à 100 à l'heure me barbe malheureusement autant en instrumental qu'en version chantée... Malgré ça, je reste toujours fasciné par les reprises absolument renversantes de certains morceaux de jazz (même rapides) par Nougaro, comment expliquer que ça passe sans souci avec Nougaro et que ça me gonfle généralement avec d'autres artistes ?

En tout cas, je tire mon chapeau aux chanteurs et chanteuses de ce projet un peu singulier (et sans doute utopique ? typique d'un certain "communisme intellectuel" du St-Germain-des-Près des 50s), ils sont absolument époustoufflants sur le plan technique ! mais comment diable parvenaient t'ils à une telle gageure, le par coeur ? ou se servaient t'il de transcriptions détaillées et précises des solos de jazz ? (ce que faisait parfois un Schifrin avec la plus grande difficulté d'ailleurs - il utilisait même des disques 45T passés en 33T tellement c'était rapide !!)

plus d'infos sur le groupe :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Double_Six

Bien que je reconnaisse toute les qualités techniques a ce groupe et que je tire mon chapeau a Mimi Perrin pour la réalisation du pari fou qu' était ce projet ,ce groupe a le don de me taper infiniment sur les nerfs...




mais ce n' est rien encore par rapport au projet qui a suivi: les Swingle Singers.. et leur Bach swinguant...dabada dabada dadabada..grrrrrrrrr

ah bon, j'ignorais qu'ils étaient devenus les Swingle Singers après...

une partie des Double six seulement.. Mimi perrin ayant laché pour problemes de santé...
(Ward Swingle et Christiane Legrand ( la soeur de Michel)entre autres...)

merci de l'info, j'avais entendu la "Sinfonia" de Berio avec eux mais il y a longtemps.

sinon un autre problème avec les Double Six, c'est la compréhension de leurs paroles, c'est parfois hyper difficile, même au casque.

Oui kfigaro, les Double Six est effectivement un sujet qui me tient beaucoup à coeur. J'ai d'ailleurs depuis plusieurs mois un prochet de chronique sur ce disque, projet que je repousse toujours... Faudra bien que je l'affronte un jour !
Je vais quand même essayer de faire court.
Tout d'abord, et comme souvent pour ce qui concerne le jazz, une premier différence avec kfigaro, j'aime tout sauf les ballades (Early Autumn, A Ballad, Evening In Paris...), pour lesquelles je n'arrive pas à me passionner. En fait je ne vois pas l'intérêt...
Et je suis d'accord avec Zarmo pour la suite et les Swingle Singers. Mimi Perrin n'a jamais retrouvé la magie de ce disque. Enfin de ces deux disques réunis en un CD : Les Double Six Meets Quincy Jones & Count Basie (1961), et Les Double Six (1962), qu'on trouve aussi en CD sous le nom de Swingin' Swingin'.
Par contre, d'accord avec kfigaro sur les tempso intermédiaires, qu'on trouve surtout sur le premier, c'est là où ils sont le plus à l'aise : For Lena and Lennie (En flanant dans Paris) ou Boo's Bloos (au temps des Indiens). Mais personnellement j'adore par dessus tout les tempos rapides et swing : Tickle Toe, Moanin', Fascinating Rythm et surtout surtout l'incroyable Meet Benny Bailey (Au Bout du Fil).
Si tu as du mal avec les textes, il faut absolument les avoir sous les yeux : le travail est extraordinaire, un véritable tour de force ! Je pourrai donner des exemples plus tard, mais on est vraiment pas loin de Boby Lapointe dans l'invention linguistique !

D'autres remarques :

- "communisme intellectuel" ? Surement pas ! Juste la reprise française du travail déjà effectué depuis quelque temps par les chanteurs américains Eddie Jefferson ou Jon Hendricks, et surtout le groupe vocal Lambert, Hendrickx & Ross, cette dernière remplacée plus tard par Yolande Bavan, et leurs successeurs The Hendrickx Family. Ces chanteurs ont inventé ce qu'ils ont dénommé eux même le style "Vocalese" (Vocal Easy) : la reprise note pour note de morceaux jazz en remplaçant les notes des soli des musiciens par des paroles.

- "Scrapple From The Apple" de Parker, et leur reprise par les Double Six restent donc une énigme pour kfigaro. Tout d'abord, oui j'arrive à le chanter entièrement, mais je ne garanti pas l'absence de fausses notes . En fait, cette reprise vocale a pour moi été la meilleure clé pour entrer dans l'univers de Bird, justement par le chant. Une autre clé était un guitariste toulousain (je ne me rappelle plus de son nom, honte à moi), qui jouait des thèmes de Parker en chantant les notes en même temps qu'il les jouaient à la guitare. Là ou tu parle de babil frénétique, moi j'entend de la verve, de l'enthousiasme, du swing...

Et pour finir, je dois dire que mon amour des Double Six explique en grande partie pourquoi j'aime le rap ! Cette verve, cet enthousiasme, ce plaisir dans le discours, je le retrouve entièrement dans ce style si malaimé. D'ailleurs, beaucoup de rappeurs que j'aime reconnaissent ouvertement comme principale influence Eddie Jefferson et Jon Hendrickx. Le "Everybody is boppin'" de Jon Hendrickx a par exemple été repris par le californien Busdriver sous le nom de "Everybody is rappin'". Myka Nyne, mon rappeur préféré, arrive aujourd'hui à un mélange étonnant de rap et de vocalese.

Et comme j'aime bien proposer des extraits, tout d'abord les créateurs du style :

- Eddie Jefferson : "Parker's Mood", à écouter de préférence après l'original que Zaraké à posté sur un autre topic.

- Lambert, Hendrickx & Ross : Caravan (Duke Ellington/Juan Tizol)

et donc mon titre préféré des Double Six : Meets Benny Bailey (Au Bout du Fil)

Avec le texte qui va avec :

MEETS BENNY BAILEY
AU BOUT DU FIL
Music : Quincy Jones
French Lyrics : Mimi Perrin

Jean-Claude Briodin, Jacques Denjean, Claude Germain, Christiane Legrand, Mimi Perrin & Ward Single (vocals)
Art Simons (piano), Michel Gaudry (bass), Daniel Humair (drums), Elek Bacsik (guitar)
Paris, early 1960


Dites donc madame, voilà bien longtemps qu'on veut téléphoner. N'faites pas tant d'baratin.
(N'faites pas tant d'baratin.)
Vous parlez d'puis il y a trop longtemps ! (Vrai, t'as dit vrai, toi.)
Dites donc madame, voilà bien longtemps qu'on veut téléphoner. N'faites pas tant d'baratin.
(N'faites pas tant d'baratin.)
Vous parlez d'puis il y a trop longtemps !
Pas d'baratin ! Pas d'baratin !
Si vous voulez, dites, avoir tout vot' temps, allez donc faire ça plus loin ! (Il a dit vrai, lui.)
Allez donc chez vous pour téléphoner, vous prendrez vot' temps, vous prendrez vot' temps.
Dites donc madame, voilà bien longtemps qu'on veut téléphoner. N'faites pas tant d'baratin.
(N'faites pas tant d'baratin.)
Vous parlez d'puis il y a trop longtemps ! (Vrai, t'as dit vrai, toi.)

Frank Wess’ flute sax solo by Christiane Legrand
Allez donc, allez donc, allez donc, allez donc, allez donc, allez donc, soyez polis, dites, taillez-vous ! C'est pas permis d'faire tout c'potin là. Oui il n'y a même plus moyen d'bavarder, dites y a pas. C'est pas permis d'me déranger, y a pas y a pas. Oui il n'y a même plus moyen d'parler autant que j'le veux. Tiens, dites donc, vite, vite, tiens dites, tas d'titis, tas d'titis, détalez d'là, piliers d'tabac !

Henry Coker’s trombone solo by Mimi Perrin
Piliers d'tabac, dites, pardonnez donc, vous pouvez parler ! Dame on boit, pas d'abus. D'puis l'temps qu'vous faites tant d'bla-bla en téléphonant, dites, ben nous on boit au bar d'la bière ou bien du bourbon. Et puis d'abord dites donc, il y a pas, partez d'là ce sera d'très bon ton. Pas d'doute, madame, faut pas bavarder tout l'temps.

Oui y a pas on perd du temps, partez, allez donc, taillez-vous vite, oui, partez donc d'là!
Oui y a pas, y a pas. Oui y a pas on perd du temps, partez, allez-donc, taillez-vous vite, oui partez-donc d'là. Dis y a pas. Il a dit vrai lui, il a dit vrai lui .
Allez donc chez vous pour téléphoner, vous prendrez vot' temps, vous prendrez vot' temps.
Dites donc madame, voilà bien longtemps qu'on veut téléphoner. N'faites pas tant d'baratin.
(N'faites pas tant d'baratin.)
Vous parlez d'puis il y a trop longtemps ! (Vrai, t'as dit vrai, toi.)
Dites donc madame, voilà bien longtemps qu'on veut téléphoner. N'faites pas tant d'baratin.
(N'faites pas tant d'baratin.)
Vous parlez d'puis il y a trop longtemps !

Based on the recording by Count Basie & his orchestra

Christian a écrit:

- Eddie Jefferson : "Parker's Mood", à écouter de préférence après l'original que Zaraké à posté sur un autre topic.

Bon, je je reposte ici pour illustrer ton propos et faciliter la comparaison

Parker's Mood

Je pourrais écouter ça en boucle tellement le discours de Parker est limpide, et je comprends parfaitement qu'on puisse mettre des mots sur ces notes, car pour moi ce morceau est comme quelqu'un qui raconte une histoire à son meilleur pote

Et pour mieux comprendre mon passage sur le rap, un extrait vidéo de Inner City Boundaries des Freestyle Fellowships, sorti du disque "majuscule" Innercity Griots de 1993. Myka Nyne, c'est le grand frisé.

Citation :

Et comme j'aime bien proposer des extraits, tout d'abord les créateurs du style :

Lambert, Hendrickx & Ross : Caravan (Duke Ellington/Juan Tizol)

Une pure merveille !!

Christian a écrit:

et donc mon titre préféré des Double Six : Meets Benny Bailey (Au Bout du Fil)

J"aime beaucoup aussi, mais la filiation avec le rap me parait lointaine. En tout cas c'est un pas que je n'arrive pas à franchir

Bah là, il me faudrait un autre topic. Si kfigaro est d'accord...

Christian a écrit:

Si tu as du mal avec les textes, il faut absolument les avoir sous les yeux : le travail est extraordinaire, un véritable tour de force ! Je pourrai donner des exemples plus tard, mais on est vraiment pas loin de Boby Lapointe dans l'invention linguistique !

j'aimerais bien les lire oui, car j'ai écouté le CD sous forme de MP3...

C'est bète que tu ne me l'ai pas dit il y a deux jours, je te les aurais mis avec le colis !

J'en ai un tiers sous format Word, le reste en photocopie. Et les originaux mais à l'intérieur de la pochette des 33T...
Je peux toujours les scanner et te les faire passer par mail.

Le parrallele avec Boby Lapointe est judicieux.. les textes la aussi se lisent avant de s' écouter ,car sinon le sens échappe.. reste juste la forme.. et quand le double six s' emballe c ' est carrément incomprehensible..

Mais pour moi, l' un comme l' autre sont a déguster avec modération..

(Cela dit a chaque fois que je joue " night in tunisia" au piano je chantonne "parait qu' on peut voir en Arabie.. des milliers de tapis volants.." et que le tic tac d une horloge m' inspire immédiatement " ta katie t' a quittée.." comme quoi...c ' est pas un rejet total..)

D'ailleurs je pourrai là aussi faire un parallèle avec le rap (le meilleur s'entend...) : recherche linguistique, sens de la formule, virtuosité, et souvent incompréhension des textes à l'audition.
Et aussi dans le fait que le fond compte peu : presque toujours seule la forme est intéressante. Les Double Six c'est souvent naïf, voire niais, mais c'est toujours délicieux.

Christian a écrit:

Je peux toujours les scanner et te les faire passer par mail.

voilà ! merci d'avance si tu peux le faire de cette façon, ça m'ira tout à fait et surtout prend ton temps...

zarmo a écrit:

et quand le double six s' emballe c ' est carrément incomprehensible.

je confirme !

une balade comme Nougaro aurait pu en chanter :

Il y a fort longtemps (contrairement à Christian, moi j'aime beaucoup...)

dommage j'ai pas trouvé le super "Count'Em - T'a foutu le camp" plus swinguant avec un riff d'enfer.

à défaut de mieux :
T'a foutu le camp

"depuis tout ce temps qu' t a foutu l' camp
j' ai jamais pleuré si longtemps.."

je me rend compte en lisant les titres que les paroles me reviennent immédiatement avec le rythme.. finalement ils m' ont marqué plus que je le croyait ces Double Six...

(et pour rester sur Nougaro, l' organiste Eddy Louis qui l' accompagna ,était un membre du 2X6)

j'adore tes smilies !!