- kfigaro a écrit:
- "Sombre dimanche" chanté par Damia (par exemple) est effectivement un MUST du glauque, cela dit je place la "Complainte de la seine" un cran au dessus du moins d'un point de vue purement musical. Pour le "Sombre dimanche", il me semble que Gainsbourg l'avait également repris.
Ouais, il l'a repris. Moi je trouve que "L'Alcool" de l'ami cahouète n'est pas mal dans le genre. En fait ce qui désespère c'est l'alternance de l'euphorie apportée par la java, les boîtes enfumées remplies de gonzesses affolantes et la perspective sur la cour, l'âme nue qui désaoule, les illusions qui donnent sur la cour. Qui n'a pas gouté à ça à un moment de sa vie? Un très grand et noir texte qui entre en résonance - toute proportion gardée avec ce que dit kfigaro des fins de journée ou, crevé, on n'est plus capable de grand chose.
Mais j'ai un truc en tête, un truc tellement terrible et qui va au-delà de la tristesse et dont je ne peux encore parler pour le moment.
L'alcool Paroles et Musique: Serge Gainsbourg 1958 "Du chant à la une !..."
© 1958 - Editions Warner Chappell
Mes illusions donnent sur la cour
Des horizons j'en ai pas lourd
Quand j'ai bossé toute la journée
Il ne me reste plus pour rêver
Qu'les fleurs horribles de ma chambre
Mes illusions donnent sur la cour
J'ai mis une croix sur mes amours
Les p'tites pépées pour les toucher
Faut d'abord les allonger
Sinon c'est froid comme en décembre
Quand le soir venu j'm'en reviens du chantier
Après mille peines et le corps harassé
J'ai le regard morne et les mains dégueulasses
De quoi inciter les belles à faire la grimace
Bien sûr y a des filles de joies sur le retour
Celles qui mâchent le chewing-gum pendant l'amour
Mais que trouverais-je dans leur corps meurtri
Sinon qu'indifférence et mélancolie
Dans mes frusques couleur de muraille
Je joue les épouvantails
Mais nom de Dieu dans mon âme
Brûlait pourtant cette flamme
Où s'éclairaient mes amours
Et mes brèves fiançailles
Où s'consumaient mes amours
Comme autant de feux de paille
Aujourd'hui je fais mon chemin solitaire
Toutes mes ambitions se sont fait la paire
J'me suis laissé envahir par les orties
Par les ronces de cette chienne de vie
Mes illusions donnent sur la cour
Mais dans les troquets du faubourg
J'ai des ardoises de rêveries
Et le sens de l'ironie
J'me laisse aller à la tendresse
J'oublie ma chambre au fond d'la cour
Le train de banlieue au petit jour
Et dans les vapeurs de l'alcool
J'vois mes châteaux espagnols
Mes haras et toutes mes duchesses
À moi les petites pépées les poupées jolies
Laissez venir à moi les petites souris
Je claque tout ce que je veux au baccara
Je tape sur le ventre des Maharajas
À moi les boîtes de nuit sud-américaines
Où l'on danse la tête vide et les mains pleines
À moi ces mignonnes au regard qui chavire
Qu'il faut agiter avant de s'en servir
Dans mes pieds-de-poule mes prince-de-galles
En douceur je m'rince la dalle
Et nom de Dieu dans mon âme
V'la que j'ressens cette flamme
Où s'éclairaient mes amours
Et mes brèves fiançailles
Où se consumaient mes amours
Comme autant de feux de paille
Et quand les troquets ont éteint leurs néons
Qu'il ne reste plus un abreuvoir à l'horizon
Ainsi j'me laisse bercer par le calva
Et l' dieu des ivrognes guide mes pas