Le coin philo : réflexions sur la morale

kfigaro a écrit:

cette éventuelle "volonté d'une classe de barrer la route à ceux qui voudraient la rejoindre" n'a nul besoin de s'imposer puisque les seules "structures" (Bourdieu était assez structuraliste) existantes font le boulot à leur place !

Si c'est ça, je suis un peu plus d'accord. Mais ce n'est vraiment pas ce dont je me rappelle de Bourdieu. Tu n'as qu'à lire son truc sur la photo (je n'ai pas la référence exact en tête), super intéressant par ailleurs, qui montrait qu'il y a une stratégie de classe, au moins inconsciente.

Sinon, moi aussi je suis très pessimiste en matière de mobilité sociale. Je crois que ça n'existe que de façon infinitésimale. Je pense qu'il y a une très grande inertie des milieux sociaux et qu'elle s'observe même sur plusieurs siècles. Je me souviens en particulier d'une étude il y a quelques années qui observait la mobilité sociale en France sur plusieurs dizaines d'années. Elle montrait que s'il y avait une ascension (ou descente) sociale sur une génération, les effets s'estompaient sur la deuxième. En gros, des fils d'employés/ouvriers s'élevaient socialement, mais leurs enfants rejoignaient massivement le milieu de leurs grands-parents.

Mais une nouvelle fois, je refuse de lire ça comme une invitation à faire la Révolution, ou comme une stratégie sociale de telle ou telle classe contre l'autre.

Sinon, ah oui, Os Mutantes. J'avais oublié que je connaissais au moins ça comme groupe brésilien.

Je ne crois guère à l'ascenseur social non plus...

Cela dit, là n'est pas mon problème, car je conteste la hiérarchie sociale: je trouve par exemple révoltant qu'avoir fait des études intellectuelles soit vu comme une supériorité par rapport à des études "manuelles". Mais là, il y a du chemin à faire, car cette conception est partagée par toutes les classes de la société. Autant dire que je suis dans l'Utopie pure...

Je conteste également la supériorité et la plus grande complexité de la culture bourgeoise ou intelligentsiesque sur la culture populaire, présentées comme un postulat, assez universellement également. (Dans les pays où la culture populaire vit encore, évidemment. En France ce n'est plus guère le cas pour la musique.)
Par exemple, un système éducatif qui enseigne la musique et la littérature classiques aux classes populaires, voilà qui inscrit le mépris dans les mentalités, ou qui le renforce. Et en croyant bien faire, participe à l'abêtissement des cultures populaires. Rajouté à toutes ces technologies qui dissuadent la création chez les gens ordinaires... (si encore les ménagères fredonnaient du Céline Dion : elles l'écoutent sur leur ipod !)

Assez d'accord avec Robinson dans les grandes lignes...

Oui, moi aussi. Mais c'est quoi la culture populaire ? Michel Drucker ?
En musique, la culture populaire ne renvoit-elle pas à des valeurs du passé, comme Edith Piaf ou Brassens ? Ou Pagnol au cinéma ?
Ou alors le Tour de France ? L'OM ?

kfigaro a écrit:

Merci pour la référence mais peux tu nous en dire plus à ce sujet ? en quoi il aurait eu des aspects petit bourgeois ?

Le livre part du postulat que le modèle du surhomme n'est pas en réalité Zarathoustra mais le Comte de Monte Cristo, le héros revanchard des petits bourgeois , bravant un monde corrompu.
Ca ne prouve rien bien entendu mais l'hypothèse est séduisante et plausible (elle est au départ de Gramsci), surtout quand on pense à ce qui a été fait de ce surhomme dans le régime dictatorial qui a suivi

ne devrait on pas plutôt dire "la rampe sociale' ou la 'crampe sociale", bon je plaisante, moi qui gravit les marches une à une en y perdant le souffle

T vonThov a écrit:

Le livre part du postulat que le modèle du surhomme n'est pas en réalité Zarathoustra mais le Comte de Monte Cristo, le héros revanchard des petits bourgeois , bravant un monde corrompu.
Ca ne prouve rien bien entendu mais l'hypothèse est séduisante et plausible (elle est au départ de Gramsci), surtout quand on pense à ce qui a été fait de ce surhomme dans le régime dictatorial qui a suivi

Merci T vonThov ! ça voudrait dire aussi que les références de Nietzsche n'étaient pas aussi "aristocratiques" et ultra-légitimes qu'on veut bien le dire...

Ben précisément, ce n'était pas une référence avouée et assumée... C'est pour casser Nietzsche et le descendre de son piédestal que Gramsci faisait cette remarque.