Il s agit d'une artiste que j'écoute depuis une quinzaine d´années et qui fait partie de celles qui me touche le plus. Sur scène je ne l'avais jamais vue à l´exception d´un enregistrement à Radio France pour la présentation de son précédent album "Kronos". Il faut dire que son approche plus contemporaine de la chanson m'avait laissé un peu planté sur le bord de la route même si sa voix me plaisait toujours autant.
L´écoute de son dernier album m´avait complétement remis en accord avec ses choix, même si elle empruntait aussi à des rythmes qui traversaient l´Atlantique puisque l´on y retrouvait le tango.
Mais comme elle le dit elle même, le Fado ce n´est pas que son propre pays c´est une approche particulière du chant que l´on peut rencontrer un peu à travers le monde. Dans un interview ancien, elle citait même Salvatore Adamo pour son titre "Inch Allah" (repris par Amalia Rodrigues). Et si la musique brésilienne est populaire au Japon, il ne faut pas oublier qu'íl y a aussi des amateurs de Fado.
Je citerais aussi les pays néerlandophones où elle trouve un public beaucoup plus attentif que par exemple au Brésil.
Donc après le concert fabuleux de Ney Matogrosso et de Roberto Maranhão à la Casa de la Musica de Porto, j'étais un peu inquiet de l´entendre car je ne savais pas si je pourrais vider mon esprit pour n´entendre et voir qu´elle et ses musiciens. Tout d abord dans la salle je ne resentais pas cette attente fievreuse , bien que le lieu fut rempli à 90% avec un public varié en terme de générations et de nationalités puisque l'on entendait parler néerlandais, anglais, espagnol et français. Pour cette dernière langue, le hasard faisait que nos deux jeunes voisins de devant l´étaient .
Apres les recommadations d'usage de ne prendre ni photos ni d'enregistrer le concert ( le tout dit en portugais et en anglais) le concert débuta. Certes l'accueil fut chaleureux mais disons classique comme le veut cette salle dédiée en premier à cet Art.
Dès les premières secondes je fut emporté par sa voix. Par contre je dois dire qu´alors le but n´était pas de se prononcer sur sa coiffure ou sa tenue, je trouvais celle un peu trop classique et laquée pour les cheveux. Genre actrice américaine des années 50. Pour la robe un côté cuisse à moitié découverte, l'autre robe de soirée ( en noir chic) . Comme un fado se cherchant entre classicisme et innovation. Quant aux mouvements sur scène, une cantatrice chantant des Lieders, donc des déplacements qui peuvent se faire dans un carré de 30 sur 30. Le tout compensé par les mouvements de sa tête où elle me faisait comprendre l'importance du choix des textes. Maria Bethania imprégniée de Fernado Pessoa mais en plus codifié.
Côté public des applaudissements forts mais dans la politesse. Le tout parlant plus à l'esprit qu'au coeur.
Mais peu a peu on sentait tout de même comme une lente libération du public. Peut être plus porté par la chanson consacrée à Gardel ou au Tic Tac des pendules que celle empruntée à Baudelaire oú j'ai pu me rendre compte que ma langue était difficile à interpréter. Une bonne minute pour bien comprendre que c´était bien la langue dite de Molière à laquelle elle rendait honneur.
Personnellement plus le temps passait, plus elle m'emportait dans son univers. Je faisais abstraction de son statisme pour m'envoler avec sa voix et la beauté de ses musiques. Au final je crois qu'elle était parvenue à me mettre dans ses filets.
Mais comme je le pense, un concert n'est bon que suivant les réactions du public. J'imaginais que bien entendu, ce serait bien applaudi mais en conformité avec ce qui s´était passé après chaque titre, c'est à dire respectueusement. Et là , je me trompais, ce fut comme une clameur qui s'éleva d'un public libéré.
Trois chansons en rappel vinrent combler les spectateurs. Un petit mot d'elle me fit sourire. Elle s'excusa pour une certaine maladresse de sa part, expliquant qu'elle portait pour la premiére fois ces chaussures à talon haut qui ne lui convenaient pas encore, qui lui avaient limité ses déplacements sur cette scène.