La bossa est-elle populaire au Brésil ?

Christian a écrit:

Mais la bossa est-elle populaire au Brésil ?

Tiens, dommage que cette question (qui me taraude depuis longtemps !) soit restée sans réponse (ou alors ailleurs sur le forum ?)...
J'ai comme la crainte que la bossa (ou ses succédanés) soit assez peu commercialement populaire au Brésil depuis longtemps. Un genre de patrimoine commun que tout le monde connaît évidemment, qu'on visite de temps en temps, mais c'est pas vraiment ça qu'on achète et écoute au quotidien...
Dites-moi que je me trompe, ceux qui connaissent le Brésil ou sont brésiliens !

Parce que je serais prêt à parier Sepultura ou Soulfly, par exemple, vendent bien plus de disques que Jobim et Chico Buarque réunis...

Très bonne question Mister ! moi aussi ça m'intéresse !

Je serais tenté de penser que les Jobim et autres sont un peu les équivalent des Aznavour....

mister_kenyatta a écrit:

J'ai comme la crainte que la bossa (ou ses succédanés) soit assez peu commercialement populaire au Brésil depuis longtemps. Un genre de patrimoine commun que tout le monde connaît évidemment, qu'on visite de temps en temps, mais c'est pas vraiment ça qu'on achète et écoute au quotidien...

Je ne connais pas le Brésil sinon comme un peu tous les français, c'est-à-dire : rien. Pour autant, si je me risque à transposer l'exemple de notre pays, il est plus que probable que la Bossa soit considérée par les jeunes brésiliens comme un style musical propre à n'intéresser que les "vieux croutons" (comme moi par exemple...)
J'en veux pour preuve le concert en plein air qu'il y avait eu à Paris l'an dernier ou en 2005 pour marquer "l'année du Brésil". Ce que j'y ai entendu était consternant (de mon point de vue.) Si c'est "ça", la musique brésilienne actuelle, alors je zappe. En revanche, ce que j'entends sur ce forum me plaît énormément.

Bonjour,

Je ne suis pas brésilienne mais je reviens tout juste d'un voyage au Brésil !

J'ai assisté à deux ou trois shows de Bossa Nova là-bas, et en effet le public était très majoritairement âgé, aisé aussi je dirais, et blanc.

Ce n'était pas évident de trouver des concerts ou autre de bossa nova un peu "informels", ou dans des lieux populaires. Ceux que j'ai vus se tenaient dans des sortes de piano-bar, assez "chics", et coûtaient entre 25 et 40 Reais, quand même...

Il y a une quinzaine d'années, j'ai assisté à un concert brésilien dans la cité de Carcassonne (lieu incroyable pour ce genre de spectacle). Un quart du public devait être brésilien ! Se sont succédés sur la scène :
- Joao Gilberto et sa guitare, magnifique comme d'habitude. Applaudissements polis du public...
- Joao Bosco et sa guitare, en short, trés décontracté, et une pêche d'enfer qui réveille l'assistance...
- Caetano Veloso entouré d'une dizaine de musiciens : à ma grande suprise beaucoup de monde connait ses chansons, les reprend avec lui (en majorité les brésiliens bien sur). Le sommet est atteint avec Terra, repris en coeur par une grande partie du public... Ovation finale !

Bon ça a 15 ans, et les brésiliens vivant en France ne sont surement pas trop représentatifs...

bossanova a écrit:

Bonjour,
Je ne suis pas brésilienne mais je reviens tout juste d'un voyage au Brésil !
J'ai assisté à deux ou trois shows de Bossa Nova là-bas, et en effet le public était très majoritairement âgé, aisé aussi je dirais, et blanc.
Ce n'était pas évident de trouver des concerts ou autre de bossa nova un peu "informels", ou dans des lieux populaires. Ceux que j'ai vus se tenaient dans des sortes de piano-bar, assez "chics", et coûtaient entre 25 et 40 Reais, quand même...

Merci pour ton témoignage.Ça confirme ce que je craignais un peu...

Si je ne m'abuse, la bossa fut largement étiquetée "conservatrice" sous la dictature militaire et le tropicalisme (tout en admettant évidemment l'influence musicale de la bossa) s'est aussi politiquement construite en réaction, en véhiculant des idées beaucoup plus progressistes et/ou contestataires, non ?
Et ne reste-t-il pas cette image conservatrice associée à la bossa au Brésil aujourd'hui ?...

Pour vous prendre l'exemple de ma belle soeur qui est brésilienne, je ne crois pas qu'elle écoute elle même de la bossa (trop mélancolique et pas assez festif pour elle), mais plus de chansons de variété ou alors de la MPB des années 80 comme Ivan Lins, Djavan pour ne citer que ces deux noms...

De toute façon, vous en connaissez vous, de bonne musiques qui sont aujourd'hui populaires ? En France ou ailleurs ?
Ou plutôt, la qualité peut-elle être populaire aujourd'hui ?

A ce sujet, je viens à l'instant de voir un docu sur la musique classique en France, paradoxalement et en partie grâce à l'effort de certaines "stars" (sopranos ou pianistes connues, Zygel et d'autres), cette musique est légèrement plus populaire (concerts, DVDs...) de nos jours qu'il y a 10, 15 ans...

Christian a écrit:

De toute façon, vous en connaissez vous, de bonne musiques qui sont aujourd'hui populaires ? En France ou ailleurs ?
Ou plutôt, la qualité peut-elle être populaire aujourd'hui ?

Très juste, hélas...
On associe Brésil et bossa (ou samba, a priori plus "populaire") par conformisme intellectuel, probablement comme les Brésiliens eux-mêmes associent France et accordéon ou Edith Piaf, alors que, comme partout, on entend vraisemblablement plus souvent Madonna, Beyoncé ou Justin Timberlake (pour ne citer que quelques uns des artistes "pop" worldwide les plus populaires et commerciaux parmi les meilleurs du genre) sur les ondes que des musiciens locaux...

mister_kenyatta a écrit:

alors que, comme partout, on entend vraisemblablement plus souvent Madonna, Beyoncé ou Justin Timberlake (pour ne citer que quelques uns des artistes "pop" worldwide les plus populaires et commerciaux parmi les meilleurs du genre) sur les ondes que des musiciens locaux...

Vagner confirmera peut être mais personnellement je ne crois pas qu'on puisse faire un tel raccourci... pour s'en convaincre il suffit simplement d'aller jeter un coup d'oeil sur les MP3-blogs brésiliens, les anglo-saxons sont loin d'être majoritaires, tout comme chez nous Michel Sardou ou Renaud ont encore de beaux jours devant eux...

Oui, mais que Michel Sardou soit populaire en France n'infirme pas ce que je disais sur la qualité ! Et là, pour le coup, que Sardou soit populaire ça me fout en rogne !!!

Christian a écrit:

De toute façon, vous en connaissez vous, de bonne musiques qui sont aujourd'hui populaires ? En France ou ailleurs ?
Ou plutôt, la qualité peut-elle être populaire aujourd'hui ?

Sauf exception rare, "bonne musique" et "musique populaire" sont des concepts antinomiques. Paradoxalement, j'ai l'impression que les pays du bloc soviétique faisaient un peu exception à cette règle en raison de la mainmise de fer de l'état sur la culture (et le reste.)Tiens, si vous n'êtes pas convaincus de l'antinomie dénoncée plus haut, je vous invite à savourer l'extrait suivant d'une interview de Pascal Nègre, ci-devant patron d'Universal France parue dans le numéro 505-506 de l'hebdomadaire Marianne (décembre 2006.) C'est vraiment à gerber un cynisme pareil :

Citation :

... sous sa façade de businessman intraitable, Pascal Nègre est un « hédoniste qui prend le plaisir d'où qu'il vienne », version Onfray du libéral-libertarisme des années 80. Quand on lui reproche de céder aux sirènes de la rentabilité à tout prix en offrant des ponts d'or aux vainqueurs de la « Star Academy » au lieu d'oeuvrer à la découverte de nouveaux talents, sa réponse est sans appel: « Universal Music est une entreprise et, à ce titre, elle doit faire des profits. Sinon, on ferme. C’est aussi simple que ça. » il n'est pas loin de verser une larme en affirmant : « Le téléchargement illégal nous a conduits à nous séparer de certains artistes et à licencier du personnel », et n'a pas le goût de la plaisanterie quand on lui propose de revoir à la baisse son salaire : « Bah oui, mettons tout le monde au Smic, quelle excellente idée ! » Et d'ajouter : « C’est la loi de l'offre et de la demande. Si les actionnaires acceptent de me donner une telle somme, c'est peut-être parce que je la vaux. » Même son de cloche quand on évoque Corinne Rousset, ancienne attachée de presse de la maison, qui, dans un livre hilarant ("Ils ont changé ma chanson", J'ai lu), décrit les conditions de travail harassantes qui lui ont été imposées : « Elle a écrit un roman, ricane son ancien patron, une histoire inventée de toutes pièces. La preuve, elle se dit attaquée par des moustiques à Rennes au mois de décembre. C'était une petite secrétaire du service marketing, elle ne sait même pas de quoi elle parle ! » Un discours qui fait désordre dans la bouche d'un homme entré dans le milieu du disque par la petite porte !
De toute façon, Pascal Nègre n'est pas homme à regarder en arrière : pour preuve, un portrait du PDG d'Universal Music, plutôt sympathique, paru dans Libération rappelait que, dans sa jeunesse, Pascal et ses copains resquillaient au cinéma en passant par l'issue de secours. Le cinéma de quartier a dû fermer. Pour certains, c'est parce qu'il n'avait pas su anticiper la concurrence et les nouvelles techniques; pour d'autres, c'est parce qu'il fut victime de la gratuité. Comme l'industrie du disque ?

Sympa, non ?

robert45 a écrit:

Sauf exception rare, "bonne musique" et "musique populaire" sont des concepts antinomiques.

Un poil caricatural, quand même
Un seul exemple : quelques uns des groupes des années 60 qui ont révolutionné la musique (Beatles, Beach Boys, Stones, Doors, Kinks, Byrds... ou Dylan) n'étaient pas exactement contraints de vivre la "bohème" à la Aznavour...
Cela étant, que ça ne colore pas non plus cette décennie en plus dorée qu'elle n'était. Il y avait aussi un certain nombre de trucs pas possibles qui trustaient les hit parades et qui, y'a une justice, n'ont pas franchi les années.

Pour ma part, je suis convaincu que le fait que la "merde" soit commercialement plutôt plébiscitée n'est pas une fatalité, juste une paresse mutuelle bien répartie entre les producteurs/programmateurs/diffuseurs mais aussi le public ! C'est tellement plus facile de vendre et de consommer de la bonne sousoupe prémâchée ayant déjà fait ses preuves...

robert45 a écrit:

Sympa, non ?

excellent !!!!

ça me rappelle aussi ce bouquin ci :



"Cette chanson que la télé assassine" par Baptiste Vignol, un discours édifiant et vécu sur les pratiques du show-business en France et par rapport à certains producteurs culturels, cynisme et langue de bois (ou de pute) garantie pur beurre !

D'accord en partie avec Kenyatta. Je rajouterais toute la soul des années 60. Pour moi, What's Goin' On de Marvin Gaye, par exemple est l'exemple parfait d'une musique populaire et de qualité. Un autre exemple : Siembra, de Willie Colon y Ruben Blades : pendant longtemps le disque de salsa le plus vendu, et aussi le premier avec des textes intelligents (et musicalement un chef d'oeuvre). Et les Beatles évidemment... Stevie Wonder...
Dans ma question, il y avait "aujourd'hui". J'ai l'impression qu'aujourd'hui la démarcation entre populaire (major / produit marketté) et de qualité (indépendant / original) se développe de plus en plus jusqu"à en devenir caricaturale.
Bon, il reste quand même aujourd'hui des Prince ou des Kanye West qui font, quoique l'on en pense, de la qualité...

Christian a écrit:

Oui, mais que Michel Sardou soit populaire en France n'infirme pas ce que je disais sur la qualité ! Et là, pour le coup, que Sardou soit populaire ça me fout en rogne !!!

Je répondais à mister_kenyatta quand il déclarait qu'on entendait vraisemblablement plus souvent Madonna, Beyoncé ou Justin Timberlake au Brésil que des artistes de MPB.

J'avais compris Christian, mais ne confondons pas langue natale et qualité... Je n'aime pas Madonna ou Béyoncé, mais est-ce si mauvais ? Et comparable à notre Sardou national ? (Quoique que Madonna...). Quand à Justin Timberlake, c'est plutôt justement un exemple de musique populaire de bonne qualité...
Sardou, il est populaire depuis que j'écoute de la musique (soit un peu plus de 30 ans), mais il n'a jamais changé d'un iota : démagogique, populiste et méprisant pour son public...

mister_kenyatta a écrit:

Un poil caricatural, quand même

Oui et... non. Dans mon esprit, je mettais à part la décennie 1960 car elle a été incroyablement créatrive notamment au travers de ceux que tu cites. Et, il faut le souligner, avec des producteurs qui prenaient des risques considérables et qui s'y connaissaient un peu en musique !

mister_kenyatta a écrit:

Pour ma part, je suis convaincu que le fait que la "merde" soit commercialement plutôt plébiscitée n'est pas une fatalité, juste une paresse mutuelle bien répartie entre les producteurs/programmateurs/diffuseurs mais aussi le public ! C'est tellement plus facile de vendre et de consommer de la bonne sousoupe prémâchée ayant déjà fait ses preuves...

C'est un très vaste débat, le pouvoir du consommateur... de ne pas consommer. Est-il réel ? Je n'y crois plus aujourd'hui notamment lorsqu'il s'agit de consommation de masse. C'est une illusion que les défenseurs de la grande distribution ne cessent d'entretenir dans l'esprit des consommateurs. Un pouvoir, oui, mais totalement théorique...

Je ne connais ni Béyoncé ni Justin Timberlake de toute façon, et pour la qualité, je déteste à la fois Sardou et Madonna alors...

robert45 a écrit:

et qui s'y connaissaient un peu en musique !

dans certains cas, non justement ! les producteurs actuels s'y connaissent parfois bien plus (grâce aux CDs, aux rééditions, à internet, etc...) mais le problème c'est le cynisme d'un système qui "présuppose" les goûts populaires chez les gens, c'est bien expliqué par rapport aux choix populistes de Pascal Sevran dans le bouquin dont j'ai parlé un peu avant...

Bonjour,

Et pour répondre, en partie, à la question et aux autres qui ont surgi au long de cette discussion...

Je suis allée dans divers magasins de disques au Brésil, tant à Salvador qu'à Rio (j'ai fait la razzia de CD ! ).

Et bien mon premier étonnement a été de ne pas voir de rayon "bossa nova". En effet, les disques de Bossa Nova se trouvaient dans le rayon MPB !!! J'en ai quand même trouvé pas mal. Sinon, les artistes et/ou CD qui étaient vraiment en "tête de gondole", du style les meilleures ventes, c'était le chanteur Roberto Carlos, un "père" (religieux, donc), Marcelo Rossi, un nom comme ça je crois, mais aussi la bande musicale de la novela "Paginas da Vida" (avec, comme l'a dit Vagner, "Wave en générique"). Il y avait aussi le nouveau disque de Caetano Veloso et un de Maria Bethânia qui étaient en bonne place dans le magasin.

Nous voyions fréquemment des affiches publicitaires aux arrêts d' "ônibus" pour le CD de Roberto Carlos "Duetos" et aussi pour celui d'une chanteuse, Ana Carolina. Vous connaissez ?

Sinon, globalement, j'ai trouvé que dans les magasins, le choix proposait à peut-être.. 70% au moins de la musique brésilienne. Et j'ai trouvé beaucoup de CD de Bossa Nova tout de même (en promo à 4-5 Euros ! ), mais, comme je l'ai dit, à part dans des magasins un peu spécialisés (comme "Toca da Vinicius"), et bien dans les "supermarchés" c'était classé sous MPB.

Le reste, c'était de la musique anglo-saxonne, un peu de musique française, et un peu italienne aussi (Bocelli, Ramazotti et Laura Pausini). Dans l'anglo-sxon et le français je ne me souviens plus de ce qu'il y avait, je vais essayer de réfléchir...

Et puis, quand dans les bars il y avait de la musique (radio ou CD), et bien c'était presque toujours de la musique brésilienne que l'on entendait ! Je ne connaissais pas du tout mais ce devait être bien populaire car les clietns connaissaient par coeur les paroles !

Até mais tudo o mundo !

Merci Bossanova pour ta merveilleuse et passionnante enquête !!