Les années de plomb

Les années de dictature ne sont apparemment pas pas cicatrisées :

http://www.lefigaro.fr/international/2010/01/15/01003-20100115ARTFIG00005-les-annees-de-plomb-continuent-de-hanter-le-bresil-.php

Trop de sang a coulé
Trop de larmes versées
Et d'injustice bue:
le calice est encore humide
et les cicatrices toujours à vif.




Carlos Marighella dans les couloirs du DOPS.


En rédigeant ce manuel, je désire rendre un double hommage. Le premier, à la mémoire d'Edson Souto, Marco Antonio Bras de Carvalho, Melson Jose de Almeida ("Escoteiro") et de tant d'autres combattants et guérilleros urbains, assassinés par la police politique (la D.O.P.S.) et par l'armée de la dictature militaire qui sévit au Brésil. Le second à nos courageux camarades, hommes et femmes, qui croupissent dans les geôles qui n'ont rien à envier aux crimes commis par les nazis. Comme ce le fut pour eux, notre seul devoir est de lutter.
Carlos Marighella - Manuel de guérilla urbaine (1969)



Deuxième enterrement de Carlos Marighella à Salvador en 1979.
Sur la tombe dessinée par Oscar Niemeyer:
"Não tive tempo para ter medo"
"Il n'a pas eu le temps d'avoir peur"

Le Show
Phono 73
à São Paulo
où ceux que vous reconnaîtrez
sans peine
sur ces images
volées au passé
osèrent défier
la dictature
militaire
qui les censura en coupant le micro
de Chico et
Gilberto Gil
ce soir-là!

Calice
(mai 1973)
https://www.youtube.com/watch?v=BwydgVHTvqE

Zanzibar dans un autre topic
sur un sujet semblable
s'étonnait il y a quelques mois
si je me souviens bien
du peu de souvenirs qu'il avait
de cette dictature
qui lui semblait moins dure
que celles du Chili
et de l'Argentine...

Hommage de Chico Buarque
à Zuzu Angel
qui perdit son fils torturé à mort
trainé au cul d'une jeep militaire
dans la caserne du Grajaú (RJ)
puis mourut asphyxié par insertion
du tuyau d'échappement
glissé dans sa bouche
avant d'être jeté en pleine mer.

Chico Buarque
Angélica
(Hommage aux mères qui perdirent un enfant)
https://www.youtube.com/watch?v=BVs3gnwbvBc

Quem é essa mulher
Qui est cette femme
Que canta sempre esse estribilho?
Qui chante sans fin ce refrain?
Só queria embalar meu filho
Je voulais seulement endormir mon fils
Que mora na escuridão do mar
Qui vit dans la nuit noire de la mer

Quem é essa mulher
Qui est cette femme
Que canta sempre esse lamento?
Qui chante sans fin cette plainte?
Só queria lembrar o tormento
Je voulais seulement rappeler le tourment
Que fez meu filho suspirar
Qui a fait expirer mon fils

Quem é essa mulher
Qui est cette femme
Que canta sempre o mesmo arranjo?
Qui chante sans fin le même air?
Só queria agasalhar meu anjo
Je voulais seulement protéger mon ange
E deixar seu corpo descansar
Et laisser son corps se reposer

Quem é essa mulher
Qui est cette femme
Que canta como dobra um sino?
Qui chante comme sonne une cloche?
Queria cantar por meu menino
Je voulais chanter pour mon enfant
Que ele já não pode mais cantar
Car il ne peut plus chanter lui-même.


Zuzu Angel
Styliste brésilienne
(1921-1976)

"aqui não se tortura ninguém, aqui não se mata"
"ici on ne torture personne, ici on ne tue pas"
https://www.youtube.com/watch?v=_FovIUSj59Y

Stuart Edgart Angel Jones
(1946 -1971)

Je précise
pour être complet
que Zuzu Angel
qui remua ciel et terre
pour retrouver le corps de son fils
finit elle aussi
tragiquement
victime d'un accident
de voiture provoqué
par les agents
de la répression
politique
à la sortie
d'un tunnel
qui porte aujourd'hui son nom
à Rio de Janeiro.


Tunel Zuzu Angel


A mãe coragem
https://www.youtube.com/watch?v=KQUYkRGvxX0



Zuzu Angel
(1923 -1976)

Ce sujet vous fait-il fuir
au point de me laisser
presque
seul
à
oser
l'aborder?



Même si on peut utiliser
l'alibi
musical
pour s'y intéresser
- ce que je peux faire -
je crois que plus profondément
nous touchons là
- aussi -
à l'essentielle
question
de la condition humaine
- comme disait l'autre
qui s'y connaissait -


Un air de musique
ne remplacera jamais
je crois
le cri animal
de l'homme
acculé
au fond
de l'impasse
de sa dernière
heure,
au Brésil
comme ailleurs.


Pour comprendre pourquoi
Chico Buarque et Ney Matogrosso
- pour ne prendre que cet exemple -
sont aujourd'hui copains comme cochons
il suffit de revenir aux "années de plomb"
et de se souvenir que l'un et l'autre
victimes de la censure
et de la menace anonyme
trouvèrent dans leur fraternité
la force nécessaire pour continuer
à vivre
et à chanter.


Chico Buarque et Ney Matogrosso pendant les années de plomb.




Comme le disait plus haut
Zaraké:
"Les années de dictature ne sont apparemment pas cicatrisées"

Quant à moi
je continue
ou j'arrête?

Il suffira d'un signe
(Jean-Jacques Goldman)
Pas Rousseau!
https://www.dailymotion.com/video/xaubc_goldman-il-suffira-dun-signe_music

Oh non pitié ! pas Jean-Jacques !

Je ne sais pas si le cinéma brésilien s’est beaucoup penché sur cette période sombre…Il y a eut un film sur Zuzu Angel …Il y a aussi celui-ci de 2006, porté par le superbe acteur Caio Blat.



Le film est tiré d’une histoire vraie. Celle de quatre jeunes frères dominicains qui à la fin des années 60, s’engagent dans la lutte contre le régime militaire.
Dénoncés, arrêtés et sauvagement torturés dans les locaux de police, ils sont ensuite condamnés et incarcérés. L’un d’eux ( celui joué par Caio Blat ) sera contraint à l’exil en France et n’y survivra pas. C’est un film très dificile, plutôt bien réalisé, qui fait prendre conscience de la terrible répression de cette époque.

Batismo de Sangue

Oui Charles,
c'est une histoire bien triste
et vraiment tragique!


Le procès des quatre frères dominicains, de gauche à droite:
Frei Fernando, Frei Betto, Frei Ivo e Frei Tito.

Ces frères dominicains
qui apportèrent leur appui
à la guérilla urbaine
menée par les groupes
révolutionnaires opposés
à la dictature militaire
sont à l'origine de l'arrestation
et de la mise à mort
du plus célèbre partisan
de la lutte armée
comme seule réponse possible
à l'oppression de la dictature:
Carlos Marighella.


Carlos Marighella prend la parole au Congrès National de Solidarité (1961)


Arrêtés,
sauvagement
torturés
-le revolver sur la tempe-
ils sont obligés de participer
à l'embuscade en plein centre
de São Paulo
qui mettra fin au parcours
de celui qui était considéré alors
par les militaires
comme l'Ennemi Public n°1.


Carlos Marighella (1911-1969)

Ainsi,
le 4 novembre 1969
l'un des frères
-le revolver sur la tempe-
fixe par message codé
un rendez-vous
pour le soir même
à Carlos Marighella.
Deux autres frères
l'attendront à bord d'un "fusca"
au n° 815 de la rue Alameda Casa Branca...

Marighella se rendra au rendez-vous
et mourra dans l'embuscade
préparée par Sérgio Paranhos Fleury
pour l'accueillir.



Sur sa tombe,
dessinée par Oscar Niemeyer
on peut lire
l'inscription suivante:
"Não tive tempo para ter medo"
"Il n'a pas eu le temps d'avoir peur"

charles a écrit:

Je ne sais pas si le cinéma brésilien s’est beaucoup penché sur cette période sombre…Il y a eut un film sur Zuzu Angel …

Plusieurs films ou séries,
à commencer par celui-ci
-contemporain des années noires-
qui ne peut se comprendre
au fond
que dans le contexte de
ces années
lourdes comme le plomb
qui furent celles aussi
du "miracle économique"
(1968-1973)
voulu par les généraux
et dont les conséquences sociales
furent ruineuses pour le pays:
Bye Bye Brasil (1979)
de Carlos Diegues


Une troupe de saltimbanques tente de survivre en présentant son spectacle dans les villages du Nord brésilien.
Elle ne rencontre que misère et souffrance...
https://www.youtube.com/watch?v=Zg2IuqmOQEY

Chico Buarque
Bye Bye Brasil
Disco Vida (1980)
(Roberto Menescal -Chico Buarque)
https://www.youtube.com/watch?v=0BgeIzzMdnQ

Eu vi um Brasil na tevê
J'ai vu un Brésil à la TV
Capaz de cair um toró
Capable de verser des larmes
Estou me sentindo tão só
Je me sens si seul
Oh, tenha dó de mim
Oh, aie pitié de moi
Pintou uma chance legal
Je vais saisir ma chance
Um lance lá na capital
Pour un boulot dans la capitale
Nem tem que ter ginasial
Qui ne demande pas d'avoir le Brevet
Meu amor
Mon amour

Etant de retour d'un pays où la repression a eu aussi ses heures de "gloire" je tiens à corriger eventuellement certains de mes écrits antérieurs.
Je ne pense pas avoir dit que la repression brésilienne avait eu moins d'importance en tant que telle. Une seule victime déconsidère un régime, juste que celle-ci ne faisait pas spécialement la une des informations en France dans ces décades.
Dans nos journaux télévisés et nos quotidiens le Chili et l'Argentine étaient le symbole de l'oppression.
Musicalement le sentiment dans le public était un peu le même.
Les Quilapayun étaient exilés en France et chantaient l'oppression de leur pays avec le soutien des partis de gauche français.
Au début des années 1970, les artistes brésiliens étaient soient adaptés un peu à toutes les sauces, soient chantaient en portugais sans que l'on se pose des questions sur ce qu'ils pouvaient bien interpréter.
Je rappelle que monsieur Giscard d'Estaing s'était rendu au Brésil en 1978. Je n'imagine pas qu'il aurait pu le faire avec la même quiétude au Chili.

Au Brésil, chacun connait peut être des personnes qui ont été très impliquées pendant cette période. Donc très négatives sur cette époque.
N'ayant pas choisi mes interlocuteurs par affinité politique, je peux vous dire que le régime militaire laisse certains regrets à certains.

Sont mis en avant par exemple :
- l'absence de sécurité actuelle dans le pays. Genre d'affirmation entendue ( après traduction) " On ne remettait pas systématiquement en liberté les délinquants parce qu'ils se conduisaient bien en prison.
- L'éducation publique était de meilleure qualité. Sous les militaires quand on était travailleur on pouvait y arriver sans s'inscrire dans des écoles privées comme aujourd'hui.

Il ne faut pas oublier que sur le drapeau du Brésil il y a "Ordem" et que ceci a aussi un sens dans ce pays.
De mes séjours à Sao Paulo, j'ai découvert une société extrêmement complexe, tres conviale certes, mais aussi très dure dans ses rapports humains.

Etonnant d'ailleurs cette image universelle de plage, de Carnaval, d'insouciance qui lui colle à la peau.

Chacun a les nostalgies qu'il peut
et donne à l'Ordre le sens qu'il veut
lui donner, au Brésil comme ailleurs.

Des regrets nous savons
ce qu'il advient:
dans le meilleur des cas,
des photos jaunies dans un album de souvenirs,
mais plus souvent encore
des vipères prêtes à jaillir
sous la pierre de l'oubli,
car le nid est encore fertile qui les vit prospérer.

De ses choix chacun est propriétaire
et dans le champ du voisin jamais
je n'arracherai les pommes de terre.

Abraço

Soy loco por ti, América
(Caetano Veloso)
https://www.youtube.com/watch?v=sXHZAEMBHSU

Avant et après,
dans l'ordre ou le désordre?


Lula arrêté par le Dops sous la dictature.
Lula, Président réélu de la République fédérative du Brésil.

charles a écrit:

Je ne sais pas si le cinéma brésilien s’est beaucoup penché sur cette période sombre…Il y a eu un film sur Zuzu Angel …

En 1992
la TV Globo
se penche sur l'histoire récente
d'un passé proche encore vivant
avec la minissérie en 20 épisodes
Anos Rebeldes
(Les Années Rebelles)



C'est ce que je connais de mieux
en la matière pour resituer les enjeux
du point de vue de la jeunesse
et connaître ces années-là
sans se prendre la tête!

Vous trouverez facilement le DVD
dans les meilleurs points de vente!


En plus la bande son vous permettra
d'écouter tout ce qui passait à la radio
ces années-là!

Call Me
Chris Montez (1966)
https://www.youtube.com/watch?v=IUwYBHTw15Q

Anos Rebeldes se passe à Rio de Janeiro entre 1964 e 1971
et accompagne la trajectoire d'un groupe de lycéens
du traditionnel Colégio Pedro II
quand s'installe le régime dictatorial
dans le pays...
https://www.youtube.com/watch?v=EgD0WOJlkOg

Encore un peu...
de musique de ces années-là?


Anos Rebeldes
Alegria, alegria
https://www.youtube.com/watch?v=fkUg0YVeRIk

The More I See You
Chris Montez (1966)
https://www.youtube.com/watch?v=yvjDgAhG9JI

Connaissez-vous Fernando Gabeira?


Ecrivain, journaliste, homme politique
Membre fondateur du Partido Verde (Parti Vert) en 1986,
Député Fédéral de Rio de Janeiro, tantôt PT tantôt PV jusqu'à aujourd'hui....


En 1969, Fernando Gabeira est membre du MR-8 (Mouvement Révolutionnaire du 8 octobre)
qui s'oppose par la lutte armée au Régime Militaire de 1964.
Son activisme culminera dans sa participation à l'enlèvement de l'Ambassadeur des Etats-Unis, Charles Elbrick,
la veille du 7 septembre 1969 (Fête Nationale au Brésil).
Puis ce sera la route de l'exil, de 1970 à 1979...




Dans O Que É Isso, Companheiro? (1979)
(En français: Les Guérilleros sont fatigués)
Fernando Gabeira revient sur cet épisode
important de sa vie personnelle
et de la vie politique du Brésil.

Il a donc échappé aux tortionnaires de la junte militaire ?

En 1997, le cinéma brésilien
s'empare de cet épisode
dans le film de Bruno Barreto
O Que É Isso, Companheiro?

C'était le temps de la bossa
et des bosses sur la tête!


O Que É Isso, Companheiro?
https://www.youtube.com/watch?v=ZXmrxGNuTCA

Zaraké a écrit:

Il a donc échappé aux tortionnaires de la junte militaire ?

Oui oui
il en est même sorti
après avoir été arrêté
et même torturé
au bout de dix ans d'exil
au Chili, en Suède et en Italie
plus Vert
que Jaune
en 1979
dès son retour au Brésil
après la loi d'amnistie.

On parle bien des années de plomb,
non?
Anos de Chumbo (1968-1974)


Gal Costa e Toquinho
Ao Voltar do Samba (1970)
(Synval Silva)
https://www.youtube.com/watch?v=pop_kG8M7Ao


Chico Buarque
Caçada (1973)
(La chasse)
https://www.youtube.com/watch?v=1iEMjYsull0

Hoje é o dia da graça
Hoje é o dia da caça
e do caçador

Silvio a écrit:

On parle bien des années de plomb,
non?
Anos de Chumbo (1968-1974)


Gal Costa e Toquinho
Ao Voltar do Samba (1970)
(Synval Silva)
https://www.youtube.com/watch?v=pop_kG8M7Ao

Quel plaisir de retrouver ces deux la dans ce morceau que je ne connaissais pas.

Em 1969,
Paulinho da Viola
gagne le 'V Festival de MPB
avec cette chanson
ni bossa ni samba
- au style alors complètement inédit -
qui marquera pourtant définitivement
et l'époque
et la MPB!


Sinal Fechado (1969)
Paulinho da Viola
https://www.youtube.com/watch?v=w9JWuQPeaW0


Sinal Fechado (1975)
Chico Buarque e Maria Bethânia (ao vivo)
https://www.youtube.com/watch?v=G8-6pZxJ4yc

Les années de plomb
avaient-elles du bon?
C'est toute la question
à en croire cette version
de cette belle chanson.

Aquarela do Brasil (1970)
Caetano Veloso
https://www.youtube.com/watch?v=ppdpae0EWDU

Ne vous fiez pas aux apparences
Car en chantant cette chanson
-pendant qu'on torture en coulisse-
Caetano fait oeuvre de résistance
En montrant aux militaires qu'il aime
et célèbre son pays en supplice
quand le slogan de la dictature
était alors "Ame-o ou deixe-o"
("Aime-le ou quitte-le").



Combien ne l'ont pas quitté
Parce qu'ils l'aimaient trop
Combien ont dû partir au loin
Parce qu'ils n'avaient d'autre choix
que d'aimer à distance la mère
Patrie?

Face da Morte

des images terribles

Anos de chumbo
https://www.youtube.com/watch?v=nPH4wOEt5Ow

"Le gouvernement utilisa la propagande
pour obtenir la sympathie du peuple
et pour l'amener à une sensation d'optimisme généralisé
afin de cacher les problèmes du régime militaire.
Le football lui-même fut instrumentalisé
au nom de l'orgueil national."



Pelé, Coupe du Monde (1970)

Propagande publicitaire
du Gouvernement
de Ernesto Geisel
(1974-1979)

Brasil um pais que vai pra frente
Le Brésil un pays qui va de l'avant.
https://www.youtube.com/watch?v=MX6zjrCwwac

"Voilà un pays qui va de l'avant
avec un peuple uni de grande valeur.
C'est un pays qui chante
qui travaille et se développe.
Le Brésil que nous aimons tous."


Eu te amo meu Brasil
(Je t'aime mon Brésil)
Os Incríveis -
https://www.youtube.com/watch?v=G9hKtBvDchY