Piotr Anderszewski

Hier, sur Arte, j'ai découvert avec bonheur la personnalité du célèbre pianiste Piotr Anderszewski.

Le voici ici dans un DVD magnifique consacré aux Variations de Diabelli de Beethoven

Pour voir le documentaire d'hier, foncez sur le site d'Arte, il est disponible pendant une semaine et il est magnifique. Indispensable pour ceux qui aiment la musique classique et surtout aussi pour ceux qui ne l'aiment pas. Ce monsieur là est décapant, et loin, très loin de tout imaginaire empesé, académique et chiant associé à l'univers classique.

Piotr Anderszewski sur Arte

javadd a écrit:

Ce monsieur là est décapant, et loin, très loin de tout imaginaire empesé, académique et chiant associé à l'univers classique.

Ces qualificatifs s'appliquent moins à la musique classique en elle-même qu'à l'éthos global de ceux qui l'écoutent ! milieu où là encore le misérabilisme et un certain "fondamentalisme" intransigeant règnent en maître, du moins sous nos latitudes...

Tu as remarqué que je n'ai pas appliqué ces mots à la musique, mais à "l'univers classique". C'est-à-dire non seulement certains auditeurs mais aussi les lieux, l'ambiance, l'esthétisme, les codes et protocoles, etc. Tout contribue à la "dévitalisation" de la musique et pour moi, c'est comme chez le dentiste ça me fait mal. Ça me fait mal pour les compositeurs et les musiciens que j'aime qui n'ont effectivement rien à voir à avec ce cirque triste et ridicule.

Bon mais assez râlé. Allez écouter Piotr, il a une énergie et un enthousiasme débordants au moins égaux à ceux des sambistes qui occupent la plupart des pages de ce forum.

Mais nous sommes tout à fait d'accord... à une époque, la musique dites "classique" était parfois écoutée par le peuple, c'était notamment le cas de Verdi ou de Rossini (ils étaient arrangés pour des orchestres de fanfare ou des chorales populaires) - ce qui totalement inimaginable de nos jours ! (vous imaginez du Pascal Dusapin ou du Boulez chantés par les masses populaires et les prolétaires ? )

C'est depuis grosso modo le début du siècle que le genre s'est franchement embourgeoisé (pour ne pas dire plus... cf ce que j'ai dit à propos d'un certain fondamentalisme). Mais ce que tu dis par rapport aux lieux, l'ambiance, l'esthétisme, les codes et protocoles s'applique malheureusement aussi à la façon d'écouter.

En réalité, ce n'est pas forcement le prix (certains concerts de classique sont très bon marché surtout par rapport à des concerts de stars du rock ou de la chanson), les lieux, l'esthétisme ni même les "protocoles" (qui ont d'ailleurs un peu perdu de leur importance depuis 10 ou 15 ans, au sein même des mélomanes classiques d'ailleurs) qui font fuir le néophyte mais plutôt la façon d'écouter et également le background culturel colossal qui est implicitement exigé (mais sans qu'il soit jamais explicite).

Au début du "Funny games" d'Haneke (la première version), on peut voir une famille archi BCBG qui fait des blindtest d'opéra dans leur énorme voiture : le but du jeu étant non seulement de trouver le titre (trooop facile pour eux !) mais aussi le chef et l'interprète (et là c'est nettement plus coton...). Voilà ce qui à mon avis qualifie bien la "violence symbolique" qui sépare très nettement les "initiés" (ceux qui connaissent depuis très longtemps ce genre et qui savent "goûter" telle ou telle interprétation, qui se repèrent immédiatement dans le labyrinthe formel d'une sonate, etc...) des néophytes qui se disent que, forcement : "non, cette musique pour l'élite n'est décidemment pas pour moi."

Pour le dire autrement : tant que ces "codes d'écoute" très savants (mais jamais réellement explicites en tant que tels) seront confisqués par la très haute bourgeoisie qui fait du piano depuis qu'elle a 7 ans ou par l'étudiant en musicologie vivant dans les plus grandes villes de France (et qui a donc à la fois la skholè, les opportunités, les facilités "environnementales" et le bagage scolaire qui va avec !), la véritable démocratisation de la musique classique sera malheureusement très compromise ou, du moins, reposera sur une "apparence" de démocratisation...

Je suis d'accord avec toi sur la non-démocratisation de la culture musicale. Je dirai même que c'est vrai pour toute la culture : musicale, artistique et aussi scientifique. Je suis plus réservée sur le fait que ce soit un phénomène récent. A mon avis, il n'y a aucune évolution : ni positive, ni négative sur ce sujet.

Les opéras de Verdi et de Rossini ont un air de famille important avec la culture populaire par le type de récit et par la dimension mélodique "accrocheuse" de certains airs. Mon arrière grand mère maternelle qui savait à peine lire, avait vu et appréciait un grand nombre de ces opéras. Mais, cela s'arrêtait là : par exemple, elle ignorait tout des oeuvres de Bach, de Mozart ou de Beethoven, même si elle chantonnait comme tout le monde la toccata en ré mineur, la petit musique de nuit, la sonate au claire de lune, etc...

Il y a quand même aujourd'hui certains compositeurs dont les oeuvres, de façon très parcellaire, ont pénétré le grand public : Pierre Henry, Philip Glass et Arvo Part par exemple. Evidemment, on n'entend pas les peintres en bâtiment siffloter leurs oeuvres, mais le rap ou la musique techno ne se chantonnent pas non plus, alors que le Bolero de Ravel est parfait pour garder le rythme avec le pinceau....