Stanley Jordan : un guitariste de Jazz hors normes

Stanley Jordan est un guitariste de Jazz remarquable par sa technique pour le moins originale qui consiste à jouer des 2 mains sur le manche de l’instrument un peu comme le fait un pianiste sur son clavier. De cette manière, il arrive à interpréter simultanément une mélodie et son accompagnement ou 2 mélodies superposées. J’ai découvert Stanley Jordan il y a une dizaine d’années et j’avoue être étonné aujourd’hui qu’il n’ait pas fait d’émule parmi les générations montantes que rien ne rebute pourtant en matière de technique. Ce jeu autorise en effet des interventions solo extrêmement élaborées.
Voici, pour vous en rendre compte un premier titre intitulé jumpin’jack qui, sans être le meilleur, a le mérite de faire ressortir les aspects techniques du jeu. Il devient intéressant à partir du 2° tiers avec un jeu en walkin’ bass qui devient ahurissant de virtuosité dans le dernier quart de la vidéo.
https://www.youtube.com/watch?v=CtDS44GrjiY
Ce deuxième extrait propose le classique Autumn Leaves interprété en trio, Stanley Jordan jouant, cette fois, sur… 2 guitares en même temps.
https://www.youtube.com/watch?v=baDM3_6w8-E
Je vous souhaite un bon spectacle.

C'est assez incroyable, sauf si on se met à penser qu'il utilise sa guitare comme un piano. Alors ça redevient plus concevable, bien qu'un manche de guitare est plus complexe qu'un clavier de piano, car la même note se retrouve à plusieurs endroits.

Finalement, pourquoi ne change t il pas d'instrument? Il serait surement encore plus à l'aise pour s'exprimer musicalement. Car au delà de la performance technique, le gars a le jazz dans le sang, et c'est ça qui est intéressant.

note: le bassiste est également remarquable.

Bonsoir Zaraké et merci beaucoup pour ta contribution,

Zaraké a écrit:

C'est assez incroyable, sauf si on se met à penser qu'il utilise sa guitare comme un piano. Alors ça redevient plus concevable, bien qu'un manche de guitare est plus complexe qu'un clavier de piano, car la même note se retrouve à plusieurs endroits.
Finalement, pourquoi ne change t il pas d'instrument ? Il serait surement encore plus à l'aise pour s'exprimer musicalement. Car au delà de la performance technique, le gars a le jazz dans le sang, et c'est ça qui est intéressant.

note: le bassiste est également remarquable.

Le changement d'intrument relève de la pure théorie comme tu dois t'en douter compte tenu de la différence d'agencement des notes entre un manche et guitare un clavier de piano. Laquelle différence "structure", d'une certaine manière, les mélodies et les accords compte tenu des possibilités d'intervalles importantes entre les deux instruments. Je ne parle évidemment pas des sonorités qui sont radicalement différentes. C'est toujours une question de goût. Moi, ma préférence va vers la guitare tout en reconnaissant le piano comme un instrument magnifique. J'aurais des difficultés à t'expliquer pourquoi...
Je ne sais pas du reste pourquoi je te dis tout cela car j'ai comme l'impression que tu en sais autant sinon plus que moi sur le sujet...
Pour revenir à la prestation de Stanley Jordan à 2 guitares, je crois que cette démarche est essentiellement "scénique" et n'apporte rien musicalement. Note bien d'ailleurs qu'il fait pratiquement aussi bien avec une seule guitare comme le montre le premier exemple.
Enfin, s'agissant du bassiste, tu n'as pas manqué de remarquer qu'il s'agissait d'une grosse pointure. A l'appui de ton appréciation, voici un titre de Jordan précédée d'une assez longue intro de ce même bassiste. Sans commentaire...
https://www.youtube.com/watch?v=_HOcORgcizE
Assez souvent, la qualité des accompagnateurs donne une bonne idée du gabarit du soliste.

Mais qui c'est ce bassiste de feu...un martien? Sa prestation est éblouissante tant il maîtrise son instrument. Percussions, harmoniques, glissando.... tout y passe.

Concernant ta préférence pour la guitare, j'ai la même. Ce doit être parce que j'ai joué un peu de cet instrument. Aujourd'hui je joue du...GuitaPRO (soft avec lequel je fais quelques arrangements de bossa)

Parce que quand tu vois ce qui suit, tu arrêtes tout de suite de jouer de la guitare

Manolo Sanlucar

Salut Zaraké,
Le bassiste qui accompagne Stanley Jordan s'appelle Charnett Moffett. Visiblement, c'est une grosse pointure de la basse et de la contrebasse ainsi qu'en témoigne un article de Anne Legrand publié le 6 juillet 2002 sur le forum JazzCitizens (je ne reproduis pas la discographie que l'on retrouvera, au besoin, sur ce site) :

Citation :

Charnett Moffett héritier de Ray Brown ?

Durant l’été 2000, le contrebassiste et bassiste Charnett Moffett s’était produit aux festivals de Vienne et de Marciac avec le trio du pianiste McCoy Tyner. Cette année [2002], il sera de nouveau présent dans ces deux festivals avec le trio de l’ancien pianiste de John Coltrane à Vienne et à Marciac ainsi qu’avec le trio du saxophoniste Ornette Coleman pour célébrer notamment les 25 ans du festival de Marciac le 10 août.

Certaines personnes dès leur naissance, se retrouvent au coeur de l’histoire du jazz. C’est le cas de Charnett Moffett, fils du batteur Charles Moffett, accompagnateur du saxophoniste Ornette Coleman. Son père compose le prénom Charnett à partir du sien, Charles, et de celui du saxophoniste, Ornette, symbolisant ainsi leur rencontre. Charnett est fier « d’être rattaché à cette collaboration, au free jazz et aux concepts qu’ils ont établis : l’harmolodie, la liberté avec de la discipline ».

Charnett Moffett est né le 10 juin 1967 à New York. A l’âge de huit ans, il commence la basse, réalise ses premiers enregistrements et sa première tournée en Extrême-Orient avec l’orchestre familial, The Moffett family comprenant Codaryl aux percussions, Mondre à la trompette et Charles Jr au saxophone ténor. Ce prodige de la basse parfait sa formation en suivant les cours de la Juilliard School ainsi que ceux de la High School Performing Art de New York. Vers 1982, il rencontre Wynton Marsalis, qui lance le jeune artiste. En effet, Charnett quitte le lycée pour partir en tournée avec le trompettiste. Un an plus tard, il participe à ce qu’il considère comme son premier disque, l’album du frère de Wynton, le saxophoniste Brandford Marsalis, « Scenes in the city », en y interprétant un seul morceau. Il suit Wynton durant deux années et demi et enregistre au début de l’année 1985, la seule trace sonore de son travail musical avec le trompettiste, alors âgé seulement de 23 ans.

Ensuite, Charnett multiplie les rencontres et les enregistrements avec notamment le batteur Tony Williams, le guitariste Stanley Jordan, le trompettiste Wallace Rooney, les pianistes Mulgrew Miller, Donald Brown, Geoff Keezer, Kenny Kirkland et plus récemment Joachim Kühn ainsi qu’Herbie Hancock, les saxophonistes John Stubblefield, Courtney Pine et Kenny Garrett. Blue Note édite ses premiers disques sous son nom, « Net Man », « Beauty Within », et « Network » puis il continue son édition discographique avec un label japonais, Sweet Basil, non distribué en Europe et auquel il apporte un soutien financier. Sweet Basil distribue les deux volumes du General Music Project (Kenny Garrett, Geri Allen (p, vol. 1), Cyrus Chestnut (p, vol. 2), Charles Moffett), « Moffett & son’s », ainsi que ses disques en trio, « Planet Home » (Geoff Keezer et Victor Lewis), « Still Life » (Rachel Z et Cindy Blackman) et « Acoustic trio » (Mulgrew Miller et Louis Hayes).

Charnett compare sa carrière à des montagnes russes. Il déplore ne pas s’être concentré davantage à travailler en trio avec des musiciens comme Ornette Coleman ou McCoy Tyner, lui permettant de s’épanouir et de s’exprimer avec une totale liberté qu’il ne peut trouver dans l’enchaînement successif des séances d’enregistrement.

D’ailleurs au mois d’août 2000 à Marciac, il nous confiait devoir recommencer sa carrière et vouloir développer sa notoriété en Europe en se produisant avec ces deux trios. Depuis le mois d’octobre de cette même année, on a également pu l’entendre avec le trio de l’un des pianistes d’Ornette Coleman, Joachim Kühn, où il retrouve Denardo Coleman, batteur et fils du saxophoniste.

Si des personnalités comme celles de McCoy Tyner et d’Ornette Coleman sont incontournables, celle de Charnett Moffett est chaudement recommandée. Ce prolifique musicien, virtuose de la contrebasse et de la basse étonne par sa dextérité, stimule ses aînés, provoquant ainsi des concerts inoubliables.

Anne Legrand

Je crois que ça résume bien la situation, non ?

Rebonjour Zaraké,
Pour achever de répondre à ton message, j'ai effectivement moi aussi GuitarPro que j'apprécie énormément. Je me disais bien aussi que tu étais plus qu'un simple amateur... Je me suis notamment servi de ce logiciel pour reconstituer, note à note, la partition d'une interprétation de standard de jazz introuvable dans le commerce. Ca peut paraître rébarbatif mais c'est passionnant. Je m'aide également d'un autre logiciel qui me "dégrossit" la partition ce qui est bien utile, notamment pour certains accords un peu complexes. Si ça t'intéresse, je te donnerai plus de détails.
Je me consacre de plus en plus à cette activité (non lucrative) en raison d'un problème articulaire de la main gauche qui fait que je peux de moins en moins jouer de cet instrument avec l'aisance requise.
Enfin, merci pour la vidéo concernant le guitariste Manolo Sanlucar que je ne connaissais pas. Quelle classe, ce guitariste !!! En plus, la précision du jeu de doigts sur le manche est particulièrement étonnante.
Un grand merci pour cette découverte !!!

J'ai toujours été impressionné par le jeu de Stanley Jordan. Mais par contre, jamais vraiment ému !

Tu as raison Christian. C'est également mon cas. J'ai du mal à "craquer" pour Stanley Jordan avec autant de conviction que pour des guitaristes comme Joe Pass, Kenny Burrell ou Barney Kessel (ce dernier étant mon préféré.) J'ai un peu la même réserve avec Pat Metheny.
Pourtant, on ne peut nier que le jeu de Jordan soit très inventif. Tout y est : la virtuosité et la grande qualité des arrangements...

Entièrement d'accord avec tout ça. Et même réserves sur Pat Metheny. Et même amour pour Barney Kessel !
J'aime aussi beaucoup Wes Montgomery (bien sur...), René Thomas et Tal Farlow (énorme technicien celui-là aussi non ?).
Toujours surpris par Jim Hall, mais j'ai pas trouvé la clef...
J'adore Philippe Catherine dans ses duos avec Chet Baker !
Et le dernier bon disque de guitare jazz (pas uniquement d'ailleurs) que j'ai écouté, c'est Jef Lee Johnson - News From The Jungle

Christian a écrit:

Entièrement d'accord avec tout ça. Et même réserves sur Pat Metheny. Et même amour pour Barney Kessel !
J'aime aussi beaucoup Wes Montgomery (bien sur...), René Thomas et Tal Farlow (énorme technicien celui-là aussi non ?).
Toujours surpris par Jim Hall, mais j'ai pas trouvé la clef...
J'adore Philippe Catherine dans ses duos avec Chet Baker !

Je te suis complètement sur ce terrain sans aucune nuance. Sur le moment de la rédaction d'un post, je n'ai pas forcément en tête tous les noms. Tiens, il y a aussi Kenny Burrell en ce qui me concerne dont j'aime beaucoup le sens mélodique.
En revanche, je ne connais pas ce CD de guitare jazz de Jef Lee Johnson titré "News From The Jungle" que tu apprécies beaucoup semble-t-il. C'est récent ?

Un autre guitariste pas jazz mais assez écoeurant de facilité : Andy McKee (total inconnu pour moi). http://www.glumbert.com/media/mckee

Sinon, rayon guitaristes jazz, comment ne pas mentionner celui qui eut peut-être la sonorité la plus somptueuse (quoique Wes... c'est bien aussi), et cette fluidité incroyable : Grant Green.

Milady a écrit:

Un autre guitariste pas jazz mais assez écoeurant de facilité : Andy McKee (total inconnu pour moi). http://www.glumbert.com/media/mckee

Hallucinant de guitariste !!! Vraiment à voir !!! Je ne connaissais pas. Si tu fais abstraction de la guitare, on dirait qu'il tricote un pull... Sa gestion parfaite de la percussion avec la mélodie laisse sans voix.

Milady a écrit:

Sinon, rayon guitaristes jazz, comment ne pas mentionner celui qui eut peut-être la sonorité la plus somptueuse (quoique Wes... c'est bien aussi), et cette fluidité incroyable : Grant Green.

Personnellement, je ne connais que de nom. Si tu as quelques bonnes références discographiques à me donner sur ce musicien (en clair, ton "hit-parade" de sa production, je suis preneur...
En tout cas, merci beaucoup pour ces informations passionnantes !
Bonne journée

Là tout de suite comme ça, je pense à l'album qui m'a fait découvrir Grant Green : le «Blue and Sentimental» d'Ike Quebec, chez Blue Note (avec Paul Chambers et Philly Joe Jones). Pour le reste, je cherche dès que j'ai un peu de temps.

Ah, ça me revient ! C'est toi qui m'avais donné la référence du CD de Charlie Byrd «Brazilian Byrd - Music of Antonio Carlos Jobim with Strings, Brass and Woodwinds» que je cherchais désespérément depuis des années !!! Encore merci. Ce CD est magnifique quoique les cordes ne sont pas les bienvenues sur tous les titres. Enfin, peu importe. Je cherchais Girl from Ipanema dans cette version très particulière et je l'ai maintenant.
Je viens de me souvenir que j'avais déjà écouté l'album "Born To Be Blue" de Grant Green et que je l'avais trouvé pas mal (emprunté à notre médiathèque municipale.) Par ailleurs, je viens d'écouter des extraits de l'album «Blue and Sentimental» de ce guitariste que tu me recommandes et notamment le standard correspondant au titre du même album. C'est excellent et les enchaînements d'accords sont très intéressants.
Ne cherche pas trop par rapport à ce que je t'ai demandé. C'est juste pour savoir ce que tu crois intuitivement être le meilleur de cet artiste. Et, de toute façon, aucune urgence.
A bientôt !!!

C'est vrai que je ne passe pas très souvent...
Mais quand j'ai vu le fil sur Stanley Jordan, pas pu résister au plaisir de vous faire partager cette vidéo, qui a déjà découragé au moins un guitariste amateur de mes amis

Merci de ton passage, Milady...

Toujours un plaisir de te croiser. Mais tu sais, je passe, même si je ne laisse pas toujours de traces... et je penserai à passer plus souvent maintenant que j'ai enfin bookmarké ce joli forum !